Glyphosate : Monsanto connaissait sa toxicité depuis 1999

Publié le 21 mars 2017 à 10:27 Aujourd'hui | 1413 vues

La justice américaine a déclassifié des correspondances internes de Monsanto. Dans ces derniers, on y apprend que l’entreprise était conscient, dès 1999, du potentiel mutagène du glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au monde, contenu dans le Roundup.

Le glyphosate, principe actif du Roundup, est-il dangereux pour la santé ? La question fait débat depuis plusieurs années et les études menées en ce sens divergent. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait inscrit la substance comme cancérogène « probable », sur la base d’études épidémiologiques. Le 15 mars dernier, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait elle décidé de ne pas classer le produit comme cancérogène ou mutagène, c’est-à-dire capable d’engendrer des mutations génétiques. Une bonne nouvelle pour Monsanto qui s’évertue à dire que son puissant désherbant, le fameux Roundup, n’est pas nocif.

Mais de nouveaux éléments entachent sérieusement la crédibilité de la firme agrochimique (étonnant ?). Hasard du calendrier, la justice a en effet déclassifié, jeudi 16 mars (soit au lendemain de l’avis du ECHA), plus de 250 pages de correspondance interne de Monsanto. Ceux-ci montrent que la firme s’inquiétait, dès 1999, du potentiel mutagène du glyphosate, rapporte Le Monde. Ces documents ont été rendus publics dans le cadre d’une action collective portée devant une cour fédérale de Californie par plusieurs centaines de travailleurs agricoles touchés par un cancer du sang (lymphome non hodgkinien). S’appuyant sur les conclusions du CIRC, les plaignants attribuent leur maladie à leur exposition prolongée à l’herbicide commercialisé par Monsanto.

Quand Monsanto enterre une étude accablante

Ces courriels, datés de 1999, montrent qu’à l’époque, Monsanto a fait appel à une autorité scientifique pour défendre son produit phare auprès des régulateurs européens. L’objectif étant de prouver que le glyphosate n’est pas génotoxique, c’est-à-dire susceptible d’endommager l’ADN. Un cadre de l’entreprise écrit à ses collègues : « Prenons un peu de recul et regardons ce que nous voulons vraiment faire. Nous voulons trouver quelqu’un qui est familier du profil génotoxique du glyphosate/Roundup et qui peut avoir une influence sur les régulateurs, ou conduire des opérations de communication scientifique auprès du public, lorsque la question de la génotoxicité [du glyphosate] sera soulevée. »

Pour ce faire, l’entreprise a sollicité James Parry, professeur à l’université de Swansea (Pays de Galles) et spécialiste de la génotoxicité. Problème, ses conclusions ont été contraires aux attentes de Monsanto. Selon lui, le glyphosate est un « clastogène potentiel in vitro », à savoir un mutagène capable de casser les brins d’ADN et d’induire des aberrations chromosomiques. Le scientifique avait préconisé de mener davantage de tests sur le glyphosate. Évidemment, ces conclusions n’ont pas plu aux cadres de Monsanto et le rapport a tout simplement été enterré au profit de nouvelles études allant, cette fois, dans le sens de la firme…

Aujourd’hui, Monsanto se défend et estime que les documents ont été sortis de leur contexte. Selon la firme, « l’allégation selon laquelle le glyphosate peut provoquer le cancer chez l’homme est en contradiction avec des décennies d’études menées par les autorités régulatrices à travers le monde ».

« Il y a quelque chose de pourri »

Ces révélations, désormais surnommées les Monsanto Papers, ont fait bondir les eurodéputés socialistes. « Contrairement à l’avis de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) publié le mercredi 15 mars dernier, le glyphosate est bien mutagène et génotoxique. Cette information est connue depuis 1999 par Monsanto même. Cette multinationale a tout fait depuis pour cacher ce danger, infiltrant agences et régulateurs », écrivent-ils dans un communiqué. Et d’ajouter : « il est clair maintenant qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume de certaines agences européennes : conflits d’intérêts, absence totale d’indépendance et de transparence ». Selon eux, ces agences sont « entre les mains des lobbys ». Ils demandent de « démanteler et reconstruire de A à Z l’Agence européenne des produits chimiques » et l’interdiction du glyphosate, et plus largement des perturbateurs endocriniens. « Les décisions ne peuvent plus être reportées à plus tard. Il ne s’agit plus d’appliquer le principe de précaution : la menace est avérée, de l’aveu même de Monsanto », ajoutent-ils.

Pour rappel, en France, la loi sur la transition énergétique interdit, depuis le 1er janvier 2017, la vente en libre-service des produits phytosanitaires au grand public, ainsi que l’utilisation des produits phytosanitaires par les collectivités. En 2019, toute vente de produit phytosanitaire sera interdite au grand public (à l’exception des produits permis pour l’agriculture biologique notamment).

Justine Dupuy

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