« Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas »

Publié le 19 mai 2016 à 11:42 Aujourd'hui | 1581 vues

Moulinot Compost & Biogaz est une société parisienne qui collecte les biodéchets de la restauration pour les transformer en compost et biogaz. Rencontre avec Stephan Martinez, son fondateur.

Fin de service dans la brasserie du Petit Choiseul située dans le IIe arrondissement de Paris. Il est 15h, les derniers clients terminent leurs repas et certains dégustent la dernière bouchée de leur dessert très appétissant. Ici, tout est fait maison et cuisiné avec des bons produits frais. La renommée de cet établissement pourrait se résumer à sa cuisine et sa convivialité bien typique des troquets de quartier. Pourtant, Le Petit Choiseul présente une histoire bien plus singulière. C’est en partie dans ces murs qu’a grandi une initiative, un projet de toute une vie. Celui de Stephan Martinez, le patron du bistrot, qui a créé en 2013 sa propre société de valorisation de déchets organiques, Moulinot Compost & Biogaz. Convaincu que « le meilleur déchet est celui qui n’existe pas », Stephan Martinez collecte les biodéchets des restaurants, des fast-foods, des cantines scolaires et d’entreprises, et des hôtels pour les transformer en compost et biogaz. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins d’une centaine d’établissements publics et privés de Paris et de la première couronne qui bénéficient de ses services. La petite entreprise, qui emploie onze salariés, récupère chaque jour, dans ses sept camions roulant au biogaz, environ 30 000 repas, soit 8 à 10 tonnes de compost.

Mais avant de se lancer dans cette grande aventure, Stephan Martinez n’était qu’un simple restaurateur parisien. Avec son frère Fabrice, il gérait deux établissements : l’Auberge-Saint-Roch et Le Petit Choiseul. Servir de bons petits plats, gérer les coups de feu du midi, discuter avec les clients, il avait ça dans le sang. « Ça fait trois générations que nous sommes dans la restauration », confie-t-il. Mais la question de l’environnement l’a toujours intéressé.

Le lombricompostage, la clé

Conscient de la quantité de déchets jetés à chaque service, Stephan Martinez s’est alors demandé comment il pourrait les revaloriser. « Tout a commencé en 2007 quand je me suis rendu compte que tous mes déchets étaient incinérés à 70% sur Paris et enfouit à 8 ou 10%, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose », raconte-il. « Je me suis aussi rendu compte qu’il n’y avait plus de vie organique dans les sols et que les vers de terre disparaissaient à cause de l’agriculture intensive et des pesticides utilisés ». C’est alors qu’il s’intéresse de très près au lombricompostage. « J’ai donc commencé à acheter 10 kilos de vers de terre que j’ai mis dans la cave de mon restaurant. J’ai ensuite mis en place le tri, la collecte et le traitement de mes déchets alimentaires ». Il devient ainsi le premier restaurateur à valoriser les déchets organiques avec des vers de terre.

Loin d’être une lubie d’écolo parisien, composter ses déchets est pour lui une question de bon sens. « Dans l’histoire de la restauration, il y avait déjà des initiatives, ça fonctionnait très bien. Par exemple, le marc de café partait chez des jardiniers, le pain chez des volaillers. Les filières de revalorisation étaient présentes. Sauf qu’aujourd’hui, on est passé au tout jetable : incinération et enfouissement derrière », déplore-t-il.

Stephan Martinez a donc suivi une formation de maître composteur pour composter dans les règles de l’art. Pendant plusieurs années, il apprend, teste, et lancera même une Moulibox, un mini-lombricomposteur à destination des enfants pour «  leur montrer que tout ce qui vient de la terre retourne à la terre ». Il en vendra tout de même 3 500 exemplaires sur le Net, en France et à l’étranger. Sa Moulibox se vend comme des petits pains.

Un projet pilote concluant

Mais l’expert du lombricompostage veut désormais aller plus loin. Faire de la valorisation des déchets quelque chose de bien plus concret. Ainsi, compte tenu de la nouvelle réglementation (Loi du Grenelle II de l’Environnement) qui impose aux restaurateurs de trier et valoriser leurs biodéchets selon la quantité produite, il décide de mettre son expérience à disposition pour initier à grande échelle son projet Moulinot Compost & Biogaz. Il présente alors son initiative au Syndicat National des Hôteliers Restaurateurs Cafetiers et Traiteurs, le SYNHORCAT. Une grande expérience est alors menée en 2013. 80 établissements du centre de Paris participent à ce vaste programme pour tester la mise en place du tri des déchets : formation au gaspillage alimentaire, méthodologie, collecte, etc. « Cette opération pilote nous a permis d’identifier les problématiques liées au tri des déchets comme les odeurs, de connaître les craintes des restaurateurs, du personnel, de savoir si les déchets allaient bien être ramassés et valorisés », explique Stephan Martinez. Le projet pilote se révèle très concluant. La société Moulinot Compost & Biogaz est alors officiellement lancée.

Aujourd’hui, le schéma est simple. Les déchets organiques collectés chaque jour sont déposés dans des quais de transfert à Saint-Denis d’un côté, et à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) de l’autre. Ils sont ensuite transportés dans des usines de méthanisation à Étampes et dans le Nord où ils seront transformés en biogaz. L’accompagnement dont bénéficient les établissements (mise à disposition de poubelles transparentes dédiées, apprentissage du tri, etc.) permet d’ailleurs à l’entreprise de récupérer des déchets triés de façon optimale : « moins de 2% d’erreurs », se félicite Stephan Martinez.

« Un compost haute couture »

Avec ce compost de qualité, le fondateur de Moulinot Compost voudrait également produire « un compost haute couture ». À savoir un engrais bio hautement qualitatif. Un mélange de déchets alimentaires et verts (riches en azote et en carbone). « On affine ensuite le tout avec des vers de terre et du phosphate », explique Stephan Martinez. « C’est un produit qui va renourrir les sols, redonner de bons légumes. Ces derniers vont aller dans les restaurants et seront ensuite collecter ». La boucle est bouclée. On parle ici d’économie circulaire. Le fondateur de Moulinot Compost souhaite ainsi créer une plateforme de compostage, la première en Île-de-France, pour industrialiser son process. Cette dernière est actuellement en phase de test depuis huit mois.

« Un vrai savoir-faire »

Moulinot Compost opère uniquement dans la capitale mais pourrait à l’avenir faire des petits dans d’autres villes françaises. Pour l’heure, rien de concret. « C’est une possibilité mais on va d’abord s’occuper de Paris. Il y a ici énormément de choses à faire ». Après la COP21 et le Salon de l’Agriculture, Moulinot Compost aura en effet pour mission de collecter les restes alimentaires des fans zones et des stades parisiens durant l’Euro 2016. Et l’ascension de cette petite entreprise « verte » ne fait d’ailleurs que commencer. Récemment, Stephan Martinez et son équipe ont remporté le marché de plusieurs hôpitaux dont Necker, face à des mastodontes du secteur comme Veolia. « Dans ce domaine, on est plus fort, ne cache pas le fondateur de Moulinot. Demain, ce ne sera peut-être plus le cas car ils ont une force de frappe économique et des ancrages forts, mais dans ce domaine de la collecte de la restauration, qu’elle soit rapide, traditionnelle, privée ou collective, on a aujourd’hui un vrai savoir-faire ».

Stephan Martinez n’oublie cependant pas ses restaurants. Une fois par semaine, il aime venir s’occuper d’un service pour retrouver l’ambiance si particulière du comptoir, ressentir la sensation électrisante du coup de feu du midi. « Je suis né dedans, je ne pourrais jamais partir ».

Aveclogo_mip

Marine VAUTRIN

  1. Information très intéressante. Bonne lecture. Se sentir présent dans cet environnement. Aujourd’hui, je fais référence au symbole de la loterie en Inde.

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