Loi contre le gaspillage et pour l'économie circulaire

Ce que contient le projet de loi contre le gaspillage et pour l’économie circulaire

Publié le 5 février 2020 à 13:23 Aujourd'hui

Définitivement adopté par la Sénat le 30 janvier 2020, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire va bientôt pouvoir s’appliquer. Il adresse quatre grandes orientations pour changer nos modes de consommation, réduire les déchets et transformer les modes de production afin de préserver les ressources naturelles et la biodiversité.

L’enjeu est de taille : sauver notre planète en préservant les ressources naturelles et la biodiversité. Si ces vœux pieu font partie de la charte de l’environnement qui date déjà de 2004, le gouvernement a lancé l’été dernier une procédure accélérée pour faire adopter le projet de loi contre le gaspillage et pour le développement de l’économie circulaire. Bien que critiqué par de certaines associations car jugé encore trop timide, le projet de loi a été adopté le 30 janvier 2020 par le Sénat, dernière étape avant la promulgation de la loi.

Les quatre axes principaux du projet de loi

Le projet de loi pour l’économie circulaire adresse quatre piliers :

– l’information du consommateur ;
– la lutte contre le gaspillage, et donc de ce fait la préservation des réserves naturelles ;
– la sensibilisation des industriels pour transformer leur mode de production ;
– l’amélioration de la gestion des déchets.

Dans le détail, voici les différents éléments visés par ce projet de loi.

Sortir complètement du plastique jetable d’ici 2040

140 milliards d’unités : c’est la quantité de produits ménagers jetables mis sur le marché par an en France ! Du tube de dentifrice à la maison, au film qui emballe les palettes dans les entrepôts, le plastique jetable envahit notre quotidien. Pour pouvoir en sortir complètement, le projet de loi prévoit un plan en plusieurs temps.

Depuis le 1er janvier 2020, ce sont les gobelets, assiettes et coton-tige en plastique qui sont désormais interdits.

Au 1 er janvier 2021, ce sera le tour des pailles et des couverts notamment concernant l’alimentation, mais d’autres secteurs seront aussi impactés comme celui des loisirs et les confettis en plastique.

Puis, par décret pour des périodes de 5 ans, un certain nombre de mesures seront votées pour sortir de façon raisonnable et réalistes du plastique jetable, notamment en changeant radicalement certains processus dans l’industrie. La rédaction de ces décrets sera écrite avec notamment des ONG, des associations de consommateurs et des industriels.

Fin de la vaisselle jetable et des jouets en plastique dans la restauration rapide
A partir du 1er janvier 2021, les restaurateurs de fast-food devront bannir tout couvercle à verre jetables ou encore les emballages en polystyrène expansé du type de ceux qu’on voit aujourd’hui dans les Kebabs par exemple.

Les jouets en plastique offerts dans certains menus de restauration rapide seront interdits à partir du 1er janvier 2022.

Enfin, au 1er janvier 2023, les restaurateurs auront aussi dû investir dans de la vaisselle réutilisable (assiettes et verres) pour la consommation sur place.

Interdiction des sachets de thé en plastique
On le sait peu, mais les sachets de thé sont aujourd’hui pour beaucoup fabriqués à base de matières synthétiques en plastique, telles que du nylon ou du polypropylène, qui libèrent des micro-plastiques dès qu’elles sont plongées dans de l’eau chaude. A partir du 1er janvier 2022, tous les thés devront être emballés dans matières naturelles.

Fin des emballages plastiques dans la presse et la publicité
Les publicités ne pourront plus vous être adressé sous film plastique dès le 1er janvier 2023. Il faudra en revanche attendre le 1er janvier 2025 pour vos magazines et journaux.

Interdiction de la mention « biodégradable »
La mention « biodégradable » ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune réalité scientifique consensuelle. Aussi, les législateurs ont estimé à juste titre que cette mention pouvait laisser penser au consommateur qu’un produit estampillé « biodégradable » ne nuisait pas à la nature et pouvait être jeté n’importe où. Dès le 1er janvier 2021, plus aucun emballage ne pourra désormais comporter cette mention.

Favoriser le vrac pour réduire les emballages
Vous avez peut-être déjà essuyé le refus d’un commerçant face à votre bocal pour éviter un emballage superflu ? Au 1er janvier 2021, un vendeur ne pourra plus s’y opposer, sauf si le contenant ne respecte pas certaines normes d’hygiène.
Concernant les boissons, le vendeur devra même vous proposer un tarif différencié plus bas si vous venez avec votre propre récipient.

Fin de l’emballage plastique pour les fruits et légumes
Non seulement les films plastiques qui entourent certains fruits et légumes seront interdits à partir du 1er janvier 2022, mais aussi les étiquettes sur les fruits qui font mention d’une origine ou d’un label, dès lors que ces étiquettes ne sont pas en matière compostable.

Récupération des emballages par les supermarchés
Petits et grands supermarchés devront installer au 1er janvier 2021 des bacs de tri sélectif des emballages en fin de caisse, pour permettre aux consommateurs de se débarrasser dès le lieu de vente des emballages superflus des produits qu’il vient d’acheter.

Mesures spécifiques dans les lieux accueillant du public
Dans les services de pédiatrie, d’obstétrique, de maternité, les centres périnataux, les contenants en plastique destinés à réchauffer ou cuire des aliments pour bébés seront interdits à partir du 1er janvier 2025. Cette mesure ne concerne pas le domaine privé, chacun pouvant faire ce qu’il veut à la maison, mais les risques de perturbation endocrinienne étant les mêmes, le mieux est d’éviter aussi de les utiliser à la maison.

Au 1er janvier 2022 par ailleurs, plusieurs interdictions entreront en vigueur pour endiguer les problèmes des bouteilles en plastique. Les établissements recevant du public (gares, bibliothèques, écoles, universités, hôpitaux…) devront ainsi s’équiper de fontaines d’eau potable. Les restaurateurs devront quant à eux afficher clairement que l’eau potable est gratuite pour les consommateurs.

Enfin, les distributions gratuites ou payantes de bouteilles dans les événements culturels, sportifs ou festives à l’initiative de sponsors seront interdites.

De façon globale sur la question des bouteilles en plastique, l’Etat et les collectivités locales doivent s’entendre sur une méthode sur une bonne collecte puis un recyclage des contenants en plastique via l’installation de consignes mixtes.

Point particulier sur les machines à laver
A partir du 1er janvier 2025, les machines à laver devront être dotées d’un filtre à microfibres de plastiques. En effet, le lavage des tissus synthétiques libère des microfibres plastiques qui partent ensuite polluer les océans via les eaux usées.

Mieux informer les consommateurs

Logo TrimanLogo unique pour le tri et harmonisation des couleurs des poubelles
Même s’il existe quelques référents communs, chaque commune aujourd’hui gère le tri et la couleur de ses poubelles à sa façon. Dur de fait pour le consommateur de bien retenir une bonne façon de trier ses déchets.

Pour simplifier cette démarcher, un premier logo unique, le logo Triman, sera mis en place en 2021. Il sera forcément associé à une consigne de tri, par exemple « papier à trier ». En effet, le but de ce logo n’est pas d’indiquer que le produit est recyclable, mais de prévenir qu’il y a une consigne de tri particulière, qui peut d’ailleurs être que le bien peut être repris en magasin par exemple.

Concernant les couleurs des différentes poubelles, elles seront complètement harmonisées sur l’ensemble du territoire au 1er janvier 2023.

Information sur les perturbateurs endocriniens
La mise sur le marché des produits contenant des substances présentant des propriétés de perturbateur endocrinien selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) devra en parallèle faire l’objet d’une publication accessible à tous de la liste de ces produits et des substances que chacun d’entre eux contient, et ce à partir du 1er janvier 2022.

Information sur l’impact environnemental de la production et de l’internet
Que ce soit dans l’industrie textile ou alimentaire, les acteurs des différents secteurs devront travailler dès la promulgation de la loi avec l’Ademe pour définir un affichage clair pour le consommateur concernant l’impact social et/ou environnemental lié à la production. Pour cette partie, tout reste ainsi à définir et ne relève pour le moment que des bonnes intentions.

Seuls les fournisseurs d’accès internet et les opérateurs mobiles devront indiquer dès le 1er janvier 2022 l’information sur la quantité de données consommées par un client, ainsi que l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondantes, pour que tout un chacun puisse se rendre compte de l’impact de sa consommation numérique sur l’environnement et le climat.

Lutte contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire
630 millions d’euros de produits (produits d’hygiène quotidienne, vêtements, produits électroniques, chaussures, livres, électroménager…) sont détruits chaque année, dont 10 000 à 20 000 tonnes de produits textiles neufs. Dans le même temps, 3 millions de Français se priveraient de produits d’hygiène de base et 1,7 million de femmes ne disposeraient pas de suffisamment de protections hygiéniques selon un sondage Ifop pour l’association Don Solidaires.

Pour lutter contre ces aberrations, l’élimination des produits non alimentaires sera interdite, sauf s’il n’existe aucune solution technique de réemploi, de réutilisation ou de recyclage.

La mesure d’interdiction d’élimination des invendus visera toutes les enseignes de l’industrie textile (producteurs, distributeurs et plateformes en ligne) et sera effective à partir du 1er janvier 2022.

Concernant les produits d’hygiène, la mesure va encore plus loin car au plus tard au 1er janvier 2022, tous les invendus devront être donnés.

Création d’un fonds pour le réemploi
Un fonds doté de 50 millions d’euros par an sera destiné aux acteurs du réemploi (ressourceries, recycleries…) qui donnent une seconde vie aux objets. Non seulement ces acteurs limitent le gaspillage, mais ils sont aussi créateurs d’emplois. Les filières REP (Responsabilité Elargie du Producteur) devront contribuer au financement de ce fonds à hauteur de 5 %.

Vente de médicaments à l’unité
Pour éviter le gaspillage important en France des médicaments vendus par boite entière alors qu’une prescription peut ne concerner que quelques gélules d’une boite, un décret prévu au 1er janvier 2022 donnera les modalités pour permettre la vente à l’unité de certains médicaments.

Fin des publicités non sollicitées dans les boites aux lettres
30 kg d’imprimés publicitaires par foyer et par an sont aujourd’hui édités. Or les encres contiennent des huiles non biodégradables et polluantes. Au 1er janvier 2022, il sera interdit de les distribuer sans accord du consommateur dans sa boite aux lettres, ni d’en apposer sur les pares-brises des voitures.

Accès à la seconde main pour certains matériels médicaux
Pour les personnes à mobilité réduites, les consommateurs devront pouvoir choisir des pièces d’occasion au lieu de pièces neuves lors de l’entretien ou de la réparation de leurs équipements médicaux. Les pièces détachées devront être disponibles dans les 5 ans après l’achat.

Les acteurs de la filière de distribution et les établissements de santé sont invités par ailleurs à nouer des partenariats avec des associations de l’économie sociale et solidaire afin de leur donner le matériel médical dont ils comptent se défaire.

Enfin, un projet de remboursement par la Sécurité Sociale des fauteuils roulants reconditionnés sera expérimenté en 2020.

Fin de l’impression systématique des tickets de caisse et de carte bleue
A partir du 1er janvier 2023, le consommateur pourra demander un reçu ou une facture s’il le souhaite, mais l’impression ne sera plus systématique afin de limiter le gâchis de papier.

Lutte contre l’obsolescence programmée

Indice de réparabilité et indice de durabilité
Avec pour objectif d’atteindre 60 % de taux de réparation des produits électriques et électroniques d’ici 5 ans, le ministère de la Transition écologique et solidaire, l’Ademe et les parties prenantes du secteur (fabricants, vendeurs, distributeurs, ONG environnementales, associations de consommateurs…) travaillent à un indice simple (une note sur 10) apposé directement sur le produit ou son emballage et sur le lieu de vente (à côté du prix du produit par exemple) dès le 1er janvier 2021. Cet indice devrait permettre au consommateur de savoir si son produit est répérable ou non.

En travaillant à la définition de cet indice, les différents acteurs pensent pouvoir arriver à élaborer un indice de durabilité qui serait également apposé sur les produits.

Faciliter la réparation et l’usage de pièces détachées d’occasion
Au 1er janvier 2021, la liste des pièces détachées concernant les équipements électriques et électroniques, ainsi que les meubles, devra être affichée sur le lieu de vente.

Le délai de mise à disposition des pièces détachées par le fabricant au vendeur ou réparateur devra par ailleurs être de 15 jours ouvrables, sachant que le réparateur aura l’obligation de proposer des pièces détachées issues de l’économie circulaire.

Enfin, au 1er janvier 2022, si une pièce détachée n’est plus fabriquée mais peut l’être via une impression 3D, le fabricant ou l’importateur de meubles devra, sous réserve du respect des droits de propriété intellectuelle et en particulier sous réserve du consentement du détenteur de la propriété intellectuelle, fournir aux vendeurs professionnels ou aux réparateurs qui le demandent le plan de fabrication de la pièce détachée ou les informations techniques utiles à l’élaboration.

La garantie légale de conformité sera allongée
La garantie légale de conformité, d’une durée aujourd’hui de deux ans, prévoit que le consommateur peut demander la réparation ou le remplacement de son appareil, s’il a un défaut dans les deux ans après l’achat. A partir du 1er janvier 2022, cette garantie est allongée de 6 mois. Par ailleurs, si l’appareil est remplacé, la garantie repartira de nouveau pour deux ans.

Lutte contre l’obsolescence logicielle
Les mises à jour concernant vos logiciels d’exploitation sur ordinateurs, téléphones mobiles ou tablettes, empêchent parfois de garder un niveau de fonctionnalité et de performance que vous aviez avant la mise à jour.

Pour lutter contre ces mises à jour « cosmétiques » et rendre prématurément obsolètes certains appareils, les fabricants, puis les vendeurs de téléphones mobiles et de tablettes tactiles, seront tenus, à partir du 1er janvier 2021, à donner une information simple sur la durée durant laquelle les mises à jour logicielles permettent un usage dit normal de l’appareil.

Transformer les modes de production pour mieux produire

La transformation du secteur industriel est la partie la moins avancée, car elle suppose des accords et des mises en application spécifiques selon les secteurs d’activité. Ainsi de grandes orientations sont indiquées dans le projet de loi, sans mention de dates précises de mise en place.

Transformer les filières pollueurs-payeurs
Aujourd’hui, les fabricants se déchargent du problème de leurs déchets via des cotisations à des éco-organismes qui gèrent pour eux.
L’idée est d’imposer par filière d’ici à 2023 des objectifs chiffrés aux éco-organismes en matière de réemploi, de réparation, de réutilisation et surtout d’écoconception des produits qui sont soumis à ces filières.

Etendre la responsabilité des industriels dans la gestion de leurs déchets
En France, celui qui fabrique un produit doit financer sa fin de vie : c’est ce que l’on appelle la Responsabilité Elargie du Producteur (REP). La loi va étendre le nombre de familles de produits concernés par cette réglementation.

Par ailleurs, les éco-organismes qui gèrent les déchets pour le compte des industriels devront assurer une complète traçabilité des déchets, jusqu’au traitement final de ces déchets. Si dans la chaine de traitement, certains déchets doivent quitter le territoire national, les éco-organismes devront déclarer auprès du ministre chargé de l’environnement la nature, la quantité et la destination des déchets exportés.

Les différentes filières ont jusqu’à 2024 pour s’organiser.

Collecte gratuite des déchets triés du bâtiment
42 millions de tonnes de déchets : à lui seul, le secteur du bâtiment coûte au contribuable 340 et 420 millions d’euros par an pour l’enlèvement et le nettoyage de ces déchets. Le projet de loi vise à améliorer la gestion des déchets de la construction et à lutter contre les décharges sauvages via trois volets :
– créer une filière pollueur-payeur dans le secteur du bâtiment qui imposera aux metteurs sur le marché de produits et matériaux de construction (les fabricants de fenêtres, de moquettes, de béton…) d’assurer collectivement une seconde vie à leurs déchets au 1er janvier 2022 ;
– installer des nouvelles déchetteries professionnelles ;
– reprendre gratuitement les déchets lorsqu’ils sont triés.

Création d’un bonus-malus pour favoriser les produits respectueux de l’environnement
Les contours de cette mesure qui devrait s’appliquer au 1er janvier 2021 ne sont pas encore clairement définis, concernant et le fonctionnement précis, et les filières concernées.

L’idée est que les fabricants qui conçoivent leurs produits de façon écologique bénéficieraient d’un bonus sur la contribution qu’ils versent à leur éco-organisme pour le traitement de leurs déchets, versus ceux qui n’auraient pas de démarche d’éco-conception qui eux verraient leur contribution augmenter. Les bonus et malus seraient par ailleurs indiqués sur les produits afin que les consommateurs aient connaissance des pratiques de fabrication.

Pour en savoir plus :
Le site du ministère de l’Ecologie sur le sujet

Eléonore Verdy

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