Réduire les inégalités économiques pour lutter contre le changement climatique
Publié le 25 septembre 2020 à 16:08 Aujourd'hui
La lutte contre le changement climatique passe par une meilleure justice sociale et économique. C’est la conclusion du dernier rapport d’Oxfam réalisé avec le Stockholm Environment Institute (SEI) qui affiche la corrélation entre richesse et émission de gaz à effet de serre. Ainsi, selon les calculs expliqués de l’étude, les 10 % les plus riches sont responsables à eux seuls de 52 % des émissions de CO2 cumulées au niveau mondial sur les 25 dernières années. Les 1% les plus riches sont même responsables de deux fois plus d’émissions que la moitié la plus pauvre de l’humanité.
Tornades sur l’île d’Oléron, incendies incontrôlables en Californie, fonte irréversible des glaces… Chaque jour, une nouvelle inquiétante sur des évènements naturels que nous ne contrôlons plus vient ponctuer les infos déprimantes sur la Covid-19. Il y a urgence à revoir complètement notre modèle et nos habitudes pour ne laisser personne sur le carreau et offrir un avenir joyeux aux prochaines générations. Des solutions existent, heureusement ! Certaines passent par l’adaptation de nos modèles économiques et par la législation.
En effet, beaucoup de voix s’élèvent actuellement pour faire évoluer notre modèle économique aux nouvelles données, ne plus penser qu’en seuls termes de croissance avec pour indicateur clé le PIB, et réduire la concentration des richesses au profit d’une meilleure répartition entre tous. D’après la dernière étude conjointe d’Oxfam et du Stockholm Environment Institute (SEI) parue cette semaine, réduire les écarts économiques entre les très riches et les très pauvres serait même clé dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Le budget carbone mondial est limité
Pour respecter l’Accord de Paris de 2015 et limiter à 1.5 °C maximum l’augmentation de la température globale, il faut tenir compte de ce qu’on appelle le Budget Carbone mondial, expliqué comme suit dans le rapport Oxfam de septembre 2020 : le budget carbone mondial définit le volume maximum d’émissions cumulées admissible pour limiter la hausse de la température moyenne dans le monde à 1,5°C et au-delà duquel les émissions nettes doivent être nulles.
Or il se trouve qu’entre 1990 et 2015, nous avons utilisé autant de budget carbone que sur les 140 années qui avaient précédé : une accélération dramatique, de plus de 60 % par an sur la période.
Oxfam et le SEI ont essayé, en s’appuyant sur de nombreux travaux différents antérieurs qui démontrent que les émissions de carbone d’une personne augmentent proportionnellement à ses revenus, d’extrapoler de grands ensembles.
Les émissions des 1 % les plus riches sont deux fois plus importantes que les 50 % les plus pauvres
Comme le souligne le rapport, de grands pays comme la Chine et l’Inde sont sortis de l’extrême pauvreté pendant la période, et l’augmentation des revenus a provoqué une hausse des émissions de ce groupe de façon forte. Pour autant, les rapports entre les groupes n’ont pas beaucoup évolué et les très riches ont consommé eux aussi plus.
Une spirale infernale dans laquelle tout le monde s’engouffre, à l’exception des plus pauvres qui par définition ne peuvent pas se le permettre. Il est tant de réagir collectivement.
2,1 tonnes/an/habitant d’émissions d’ici 2030 : l’objectif à atteindre
Il y a un vrai décalage dans l’usage de nos ressources naturelles entre les riches et les pauvres et la façon dont chaque groupe génère des émissions de GES. Ainsi, alors que le rapport du GIEC en 2019 indiquait que les émissions par habitant devrait être d’environ 2,1 tonnes/an d’ici 2030 pour respecter un réchauffement planétaire de 1,5°C maximum, nous en sommes très loin.
Selon l’étude Oxfam/SEI, les 1 % les plus riches cumuleraient 35 fois plus d’émissions que les recommandations du GIEC, ce qui est 100 fois plus élevé que celles des 50 % les plus pauvres.
L’injustice sociale est également climatique, car les plus pauvres sur terre sont aussi ceux qui vivent dans les régions les plus impactés par le réchauffement climatique.
Une grande partie des émissions imputables aux pays occidentaux
Si la moitié des émissions des 10% les plus riches restent localisés en Amérique du nord et en Europe (soit 24.5 % des émissions mondiales), des pays et régions comme la Chine et le Moyen-Orient ont fortement augmenté, en 25 ans, leur proportion dans ce groupe.
La Chine se distingue aussi fortement dans le groupe des classes moyennes en 2015, bien loin devant la Russie, alors que cette dernière était le deuxième point le plus générateur d’émissions dans ce groupe en 1990.
Selon les régions du monde, les sources d’émissions varient. Dans l’Union Européenne, le transport (routier et aérien) est de loin le plus contributeur aux émissions, devant les besoins en électricité et chauffage pour le logement.
Les mesures proposées par Oxfam pour inverser les tendances
Alors que le plan de relance va passer pour discussion à l’Assemblée nationale, et face à l’urgence climatique, Oxfam propose une série de mesures ciblées. Citons :
- les 10 % le plus riches étant aussi les plus pollueurs via leur consommation, l’ONG propose de taxer davantage les produits de luxe (jet privé, yachts…) et de revenir à un impôt sur les grandes fortunes qui pourraient servir à financer des services sociaux plus universels
- les véhicules particuliers et l’avion sont deux postes importants d’émissions de GES dans nos régions : l’ONG est en faveur de la fin de l’exception de taxe sur les carburants dans le transport aérien. Par ailleurs, elle prône la fin des cadeaux fiscaux des entreprises concernant les véhicules de fonction.
Enfin sur ce sujet, il s’agit aussi de ne plus soutenir financièrement l’industrie aéronautique sans soumettre ces aides à des conditions écologiques et/ou sociales. - orienter l’investissement public pour développer les alternatives aux transports polluants (plus de transports publics et d’aides au développement du vélo, de la marche, des véhicules électriques) ; améliorer l’efficacité énergétique des logements, notamment pour les publics les plus démunis ; développer les secteurs d’activité peu gourmands en carbone et nécessaires comme la santé et l’aide sociale
- favoriser l’économie circulaire et changer les modèles de gouvernance des entreprises pour que les orientations soient basées d’avantage sur du long terme que sur des profits court-termistes. L’ONG est également favorable à interdire toute publicité commerciale dans les lieux publics.
- définir d’autres objectifs nationaux de suivi comme un indicateur de bien-être par exemple, qui existe déjà en Nouvelle-Zélande
Ces questions, ajoutées à plus de dialogue social pour que même les plus démunis puissent s’exprimer sur le sujet de la lutte contre le changement climatique, font certainement faire l’objet de débats ces prochaines semaines.
Pour en savoir plus :
Le résumé de l’étude d’Oxfam et le SEI en français
L’étude complète en anglais
Le site d’Oxfam
Le site du Stockholm Environment Institute (SEI)
Le rapport du GIEC de 2019